Origines et évolution du spectacle

« Ah!, si nous pouvions avoir une petite Passion... »

Telle fut la réflexion de l'abbé Mailleux, curé de Ligny, au lendemain du prestigieux spectacle de la Passion auquel il avait assisté à Nancy avec quelques paroissiens, membres de la troupe locale de comédiens amateurs.


1925

Au retour de Nancy, l'idée mûrit rapidement et, en septembre 1925, la dramatique commençait les répétitions de la Passion, d'après un livret de l'abbé Cussac.

Le 15 novembre 1925, le rideau se levait pour le première fois sur la Passion.

Le drame était précédé d'une comédie intitulée « Tête folle » que l'on avait cru bon de présenter pour allonger la soirée.

Le programme de cette première séance nous apprend que « La chorale Ste-Cécile et la Fanfare de la Paix prêtent leur bienveillant et gracieux concours »... le prix des places était fixé à 10, 5 et 3 francs.

Un programme du 9 avril 1928 annonce la 13e représentation. On y trouve la remarque suivante :

« Les dames sont priées d'enlever et de n'enlever que leur chapeau. Qu'elles n'oublient pas qu'elles assistent à la représentation du drame le plus religieux, le plus touchant et le plus saint dans un cercle catholique où l'on ne reçoit que des dames et des jeunes filles convenablement, complètement et dignement vêtues ».

S'il fait sourire aujourd'hui, ce détail témoigne du souci de garder au spectacle un caractère profondément religieux.

Le jeu comportait 6 tableaux et durait plus de 2 heures. Marie, Véronique et Marie Madeleine étaient des travestis, les anges portaient des ailes...

La représentation se terminait sur le tableau de l'Ascension qui ne figurait dans aucune autre Passion.


1946...1979

Après la seconde guerre mondiale, la Passion fut reprise, dans une forme légèrement modifiée, par l'abbé Delvigne et quelques anciens. Plusieurs d'entre eux reprirent les rôles qu'ils avaient tenus en 1925.

En 1950, l'évêché ayant levé l'interdit, les comédiennes font leur entrée sur scène : d'abord dans un choeur de jeunes filles assurant l'interprétation des chants, ensuite dans le rôle des personnages féminins... la Passion a enfin ses saintes femmes.

Afin d'assurer une continuité au spectacle, un commentaire est diffusé dans la salle entre les tableaux. Quelques années plus tard, il est dit en scène par un récitant puis par un choeur. A l'origine, le texte constituait un lien entre les différents tableaux. Dans sa nouvelle formule, il fait la liaison entre le texte évangélique et les événements contemporains.

Le livret même du jeu fut remanié à plusieurs reprises. Les dialogues et les situations sont fidèles aux récits bibliques et les personnages conformes à la vérité historique.

En 1966, l'arrivée d'un nouveau metteur en scène entraîne des modifications dans la conception du jeu : simplification du décor, stylisation des costumes, valorisation du jeu de lumière.

La scène est équipée d'un cyclorama (long panneau mural uni, peint en bleu très clair, affectant en plan la forme d'un arc de cercle).


1980...

Les temps changent, les goûts du public évoluent ! Présenté en 18 tableaux au lieu de 6, le jeu comprend deux parties de style et de conception différents. L'une est composée de tableaux représentant les épisodes de la Passion, l'autre consiste en commentaires récités par le choeur. A l'instar des tragédies antiques ce choeur ne participe pas à l'action mais il en est le témoin privilégié. On y parle de l'injustice sociale, de la violence, de la corruption... Il interpelle, parfois il choque.

L'aire de jeu en gradin est entièrement peinte en gris. Dans ce cadre sobre et dépouillé, un simple élément de décor tel qu'un grillage, une colonne ou une chute de tenture suffit à fixer l'action. Le metteur en scène n'impose pas au public la reproduction exacte d'un milieu donné, il fait confiance à l'imagination du spectateur. Un beau décor n'est pas nécessairement un bon décor. Un ensemble de volumes, également de couleur grise, complète le dispositif scénique; selon leur agencement sur le plateau, ils se métamorphosent en sièges, éléments de mur, banquettes.... Ainsi conçu, le décor est un outil et non une image. Il doit être utile et fonctionnel; c'est un instrument qui s'adapte aux mouvements du comédien.

Cette théorie n'est pas nouvelle. En 1836, Alfred de Musset écrivait déjà : « ...que le décor et le trompe-l'oeil demandent une main habile, j'en conviens et je suis prêt à rendre justice aux toiles de fond de nos théâtres, quoique je sois fermement persuadé qu'avec cette splendeur d'entourage, il n'y a pas d'art dramatique possible... ».

Dans un tel cadre, les jeux de lumière prennent une importance capitale. Ils sont utilisés avec une maîtrise et une virtuosité telles que les scènes successives se composent et s'estompent tour à tour sous les yeux des spectateurs. Par la coloration et le dosage de son éclairage, le cyclorama restitue l'atmosphère chaude, lumineuse ou lourde du Moyen-Orient.

Aucun réalisme n'est recherché dans les costumes. La plupart des personnages portent la tunique, la ceinture et le voile. Certains, selon leur rang ou leur fonction y ajoutent le manteau. En revanche, une grande importance est attachée aux coloris : les tuniques d'apôtres sont choisies dans la gamme des beiges, la rigueur de la cour de Pilate est soulignée par des teintes froides tandis qu'à la cour d'Hérode éclatent les rouges, oranges et jaunes... Le choeur porte des vêtements de couleurs différentes selon le moment dramatique.

Chaque année, les costumes sont rafraîchis. Quelques-uns sont renouvelés si les modifications apportées au jeu l'exigent. Cette tâche est confiée à une équipe de couturières bénévoles.


1990...

Dans la mise en scène, le début de cette décennie est marqué par le désir de rappeler, dans le spectacle, les origines liturgiques du théâtre religieux. Le jeu s'ouvre désormais sur le poème introductif du Mystère dit de « Chantilly », écrit à Huy dans le seconde moitié du XVe siècle. Il se clôture par le « Te Deum » selon la tradition des drames liturgiques et des Passions médiévales.

Bien que le récit évangélique de la Passion ne relate aucun épisode dans lequel interviennent des enfants et des adolescents, les jeunes candidats acteurs sont nombreux. Leur intégration est possible grâce à des scènes à caractère symbolique introduites spécialement pour eux dans le spectacle.


1997...

Soucieuse de répondre à la sensibilité artistique et spirituelle de notre temps et afin de prévenir une certaine lassitude des acteurs, la Confrérie a décidé un remaniement du texte et de la mise en scène pour la saison 1997.

A la lumière de travaux d'exégètes et d'historiens de renom, le livret actuel retrace avec beaucoup de rigueur le contexte politique et religieux dans lequel s'est déroulé le drame de la Passion. Le profil des principaux personnages est établi sans complaisance ni parti pris.

Qu'est-ce qui a poussé Judas à se détacher de son maître ? Qui était Barabbas ? Qui assume la plus grande responsabilité dans la mort de Jésus ? Où sont les preuves de la résurrection?

Ces questions capitales sont posées par le choeur et l'on cherche des éléments de réponse à travers les événements et les textes.

Le langage des personnages est plus direct, plus réaliste : chacun s'exprime selon son rang.

Le cadre dépouillé est maintenu : des éléments de décor, composés de prismes verticaux et de tentures aux coloris soigneusement choisis, suggèrent le lieu des différentes actions...

Ainsi conçu, avec l'aide d'éminents spécialistes, le jeu propose au spectateur une lecture bien contemporaine du texte évangélique.


2005...

Pour la saison 2005, le texte et la mise en scène ont été partiellement modifiés. La représentation s'ouvre sur un nouveau tableau : Les Noces de Cana. Les épisodes de la vie publique du Christ et la scène du Crucifiement sont complètement remaniés. Le spectacle poursuit son évolution vers plus de rythme et de clarté.


2012...

La saison théâtrale 2012 est marquée par une adaptation du texte au langage du temps présent et une redistribution partielle des rôles. Les moines bénédictins de l'abbaye de Maredsous ont longtemps soutenu la Confrérie dans sa quête de vérité dans la substance même du texte. Ils poursuivent leur collaboration par l'intermédiaire du Frère Ferdinand Poswick dont la réputation a dépassé nos frontières en matière de recherche biblique adaptée à l'informatique. Il a relu l'entièreté des dialogues et des commentaires du chœur, les a confrontés aux diverses versions des Ecritures et y a apporté la clarté nécessaire à la bonne perception du message.